TerraWater ?

Questions et Réponses

Nucléaire

Pourquoi pas davantage de nucléaire ? 100% ?

Nous ne sommes pas une association qui défend une énergie idéologiquement. Un mix composé de 100% d’une seule source d’énergie bas carbone, n’importe laquelle, signifie le démantèlement des autres, ce qui ne fait climatiquement, environnementalement et économiquement pas de sens. C’est le cas des scénarios 100% renouvelables, qui comme leur nom l’indique sont une traduction idéologique d’un objectif, la stabilisation du climat, qui ne l’est pas.

De plus, nos capacités hydroélectriques ont encore plusieurs siècles de fonctionnement devant elles, voire bien plus si les efforts de maintenance appropriés sont appliqués le jour où la question se posera de les démanteler.

D’autre part, l’éolien et le solaire peuvent aider  à décarboner l’électricité puisque nous sommes amenés à en produire beaucoup plus pour les besoins en électrification du mix énergétique à court terme, grâce à leur capacité de déploiement à court-terme plus rapide que celle du nucléaire, et malgré leur efficacité limitée.

Indiquer que lorsque l’objectif n’est pas la diversification pour elle-même, diversifier les sources d’approvisionnement peut être un bon calcul, et conserver 25 à 30% d’EnR ne pose pas de problèmes particuliers pour le réseau électrique. 

Plus que 80 % de disponibilité du parc, ne peut-on espérer mieux ?

Le record historique du parc est de 83.6%. Le scénario TerraWater vise un objectif de 85% à terme, intégrant une remontée progressive. étant entendu que des arrêts anticipés de rechargement et de maintenance seront toujours nécessaires. Les premiers retours d’expérience sur des tranches post-VD4 montrent que la disponibilité remonte fortement une fois les travaux du Grand-Carénage terminés. Cela amène à réfléchir à l’avenir sur l’analyse coûts/bénéfices des futures visites décennales afin de ne pas commettre la même erreur qui a été de planifier des travaux aussi lourds en un laps de temps si court.

Où comptez-vous mettre les nouvelles paires ?

La plupart des tranches prévues d’ici à 2050 peuvent être déployées sur des sites préexistants, mais ont été également identifiés des sites industriels désaffectés en bord de mer ou de fleuve à l’image de l’ancien dépôt pétrolier d’Antifer, en Haute-Normandie. Il serait également possible de mettre à contribution des régions sans site pour l’instant avec un grand potentiel comme pour la région Bretagne.

En théorie, une centrale nucléaire peut être positionnée presque n’importe où en intégrant la contrainte climatique ou sismique, du moment qu’y sont associées les dispositions techniques adéquates (i.e. source froide suffisante). Il sera opportun d’en placer davantage en bord de mer en proportion par rapport au parc actuel.

La doctrine française a été d’éloigner les centrales nucléaires des centres de population, entraînant de ce fait une perte d’opportunité dans l’exploitation de la chaleur qui émane de ces centrales et qui pourraient alimenter des réseaux de chaleur urbains, réduisant d’autant leur empreinte carbone. Cependant, considérant les progrès des calorifuges et la taille des gisements concernés, l’utilisation de la cogénération nucléaire trouvera probablement une pertinence majeure pour les principaux centres urbains du pays (Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Tours, Cherbourg, Dunkerque, Metz…). C’est en tout cas un sujet majeur que les Voix se proposeront de traiter dans la réédition du scénario.

Avez-vous pris en compte les risques pour le refroidissement des réacteurs liés au réchauffement climatique, notamment à propos des fleuves ?

Tout d’abord il convient de souligner que les contraintes à ce niveau ne sont pas techniques mais réglementaires : les centrales ralentissent ou s’arrêtent en période de canicule pour respecter des règles sur la température des cours d’eau. Ce n’est pas un problème technique de refroidissement des réacteurs. Ensuite, les nouvelles paires en bord de fleuve seront toutes refroidies par aéroréfrigérant et comprendront le même système qui équipe actuellement la centrale de Civaux (qui rejette dans la Vienne une eau plus froide que celle qui y a été pompée). Ce faisant, la contrainte température sera éliminée, et seule la contrainte de débit sera contraignante pour l’implantation des tranches.

Enfin les suggestions d’emplacement des différentes paires prennent ces contraintes en considération :

Les tranches seront implantées sur des sources froides ne présentant pas de contraintes de débit (cf remarque précédente), c’est-à-dire les bords de mer, les fleuves à fort débit estival (Rhône, Rhin) et les cours d’eau dont l’étiage est suffisamment soutenu, dont en particulier en aval des nouvelles STEPs prévues

En effet, un des critères de choix des STEPs a été la possibilité de réaliser du soutien d’étiage à grande échelle sur certains des grands cours d’eau français.

Vous ne misez pas sur les SMR ?

 

Les SMR sont une technologie intéressante notamment dans un contexte de réseau électrique de petite taille et isolé, comme les réseaux insulaires typiquement, ou pour répondre à des besoins spécifiques requérant une technologie autres de génération 4, chaleur très haute température par exemple* .

Le modèle économique des SMR abandonne le concept d’économie d’échelle qui a conduit à l’augmentation de la puissance des réacteurs nucléaires avec le temps (mais aussi à l’augmentation de leur complexité) au profit de l’effet de série grâce à des modules complets assemblés à la chaîne en usine. Il n’est pas encore démontré que ce modèle soit viable, surtout face à des acteurs institutionnels ou assimilés ayant les moyens de construire de gros réacteurs en série sur de gros réseaux interconnectés.

Nous n’avons modélisé ici que la France métropolitaine et ses besoins. Il ne serait donc pas à exclure qu’ils puissent être des solutions ponctuelles à la marge qu’il serait technologiquement intéressant de développer mais il est préférable de s’appuyer sur des technologies matures industriellement et que notre filière nationale maîtrise déjà : les EPR2. Les SMR de génération 4 étant une option à plus long terme, et les SMR de génération 3 faisant plus de sens dans sur des systèmes électriques plus petits ou découpés que le nôtre.

 

* Un réseau électrique classique avec une technologie PWR (les centrales nucléaires françaises actuelles de 2ème et 3ème génération) peut délivrer de l’électricité à partir de laquelle fabriquer de la chaleur, mais il pourrait y avoir des cas où il serait pertinent de générer directement de la chaleur.

Rien sur la fusion et/ou la surgénération ?

Le scénario des Voix veut proposer une route solide vers la décarbonation durable du mix énergétique français à l’horizon 2050 avant tout.

La surgénération devrait pouvoir venir prendre le relais des EPR2 dans un futur relativement proche (post 2045), à condition de relancer la recherche et le développement (notamment de projets tel qu’ASTRID qui sont les plus proches de la maturité industrielle), et de renforcer les autorités réglementaires et les installations du cycle, de sorte qu’elles soient propres à, respectivement, gérer les dispositions et accueillir les combustibles liés aux nouveaux concepts de réacteurs.

La technologie de la fusion nucléaire est encore loin de pouvoir représenter une solution industriellement viable à court ou moyen terme malgré des avancées récentes prometteuses. Sauf rupture technologique inattendue et peu probable, elle ne constitue une option industriellement crédible qu’à l’horizon 2100.

Les Voix appellent à prendre cette direction de leurs vœux, mais considèrent que cela dépasse le cadre temporel que nous nous sommes fixé et au-delà duquel il serait hasardeux de faire autre chose que d’ouvrir des options.

Comment pouvez-vous avoir une ambition de déploiement plus élevé que ce que la filière a annoncé à RTE ?

Le scénario a été soumis à des responsables de la filière nucléaire qui ont confirmé la viabilité de ces hypothèses. Le rythme de déploiement proposé sur les 3 premières paires est calqué sur celui de RTE et EDF : nous ne faisons qu’accélérer la cadence de construction  en considérant les capacités officielles annoncées à l’export par EDF (+1 EPR2) que nous dévouons à un déploiement sur le territoire national.  Il est cependant  clair qu’avant 2040 les capacités industrielles sont limitées, et c’est pourquoi  nous ne considérons ce rythme de croisière qu’après avoir construit les 3 premières paires. Ce rythme est non seulement considéré comme raisonnablement atteignable, mais fait partie des projections propres à la filière nucléaire française et aux objectifs qu’elle se donne lorsque l’on inclut ses ambitions à l’export.

Il est à ce propos particulièrement important de rappeler que les déclarations faites par EDF à RTE lors de l’élaboration, en 2020-21, des scénarios « Futurs énergétiques » étaient explicitement faites “dans le contexte actuel de dimensionnement de la filière” (ici Loi de Transition Énergétique de 2015), ce qui révèle donc qu’elles ne constituent pas un plafond, à condition que la relance de la filière ainsi que les trajectoires de réindustrialisation du pays soient tenues.

Il parait que les EPR chinois rencontrent des problèmes de vibration ? Vous ne tirez aucune conséquence de Flamanville ?

C’est vrai, le problème a été identifié et fait tout naturellement partie de la phase normale de rodage d’un équipement neuf de cette ampleur et de cette complexité. Des évènements similaires ont eu lieu au démarrage de tous les réacteurs de nouvelle génération.

Flamanville est une tête de série pour une filière qui a subi des abandons politiques et industriels à répétition. Les leçons à tirer de l’EPR de Flamanville sont de l’ordre de la décision publique et industrielle davantage que technique. Les leçons à tirer sur les volets techniques et technologiques l’ont été et ont mené à l’EPR2.

Avec les problèmes de corrosion que rencontre le parc actuellement, vous pensez vraiment pouvoir allonger sa durée de vie ?

Il apparaît qu’une part non négligeable des réacteurs arrêtés en France en 2022 le sont en réalité pour cause de grand carénage et non pour les soupçons de corrosions sous contrainte de certaines pièces. Il s’agit d’une vérification de sûreté extrêmement drastique, car dans les faits les microfissures ne présentent pas de risque immédiat mais simplement un signe de vieillissement. A noter que, depuis le début de cette découverte, une nouvelle technique de détection a été mise au point qui ne nécessite plus de travaux lourds de démontages de canalisations pour détecter la corrosion. La plupart des réacteurs concernés ont redémarré ou presque. 

La corrosion sous contrainte (CSC) affecte les réacteurs les plus récents du parc français et il apparaît que les réacteurs les plus anciens sont peu ou pas affectés. Ce phénomène n’est pas lié à l’âge des réacteurs mais à la conception de la géométrie des circuits.

ENR

Les EnRi sont extrêmement consommatrices de métaux et de terres rares non ?

Si effectivement ce sont des technologies bien plus consommatrices de matériaux critiques que le nucléaire ou l’hydroélectricité, la part de la demande qui leur est imputable, au global, comparé aux véhicules électriques ou au numérique est raisonnable. Tant qu’on ne peut pas faire sans elles pour répondre à la demande, c’est un arbitrage tout à fait sensé que de se reposer sur elles.

Que dit le scénario sur les concessions de barrages hydrauliques ?

Le Scénario se veut être une proposition sur le chemin technique que pourrait prendre notre mix énergétique, non une feuille de route politique et économique sur le secteur de l’énergie. Cependant, il n’a pas échappé aux auteurs que le plan Messmer (ayant donné lieu à la constitution du parc nucléaire historique) a été en partie réalisable grâce aux bénéfices qu’EDF tirait alors des concessions des centrales hydrauliques. De manière plus générale, le scénario des Voix assume la dimension nationale des projets qu’elle suggère d’entreprendre : de tels projets demandent généralement d’être faits dans une démarche d’intérêt général que l’État sait mieux porter que des acteurs privés. 

Votre association ne s’oppose-t-elle pas habituellement aux EnRi ?

Non, l’association dénonce les différences de traitement dont elles bénéficient par rapport à l’énergie nucléaire en tant que solution face au changement climatique. Les efforts des Voix se sont toujours portés sur la lutte contre les énergies fossiles avant tout. De plus, notre recours à des EnRi en grande proportion permet de laisser un temps réaliste à la filière nucléaire pour être de nouveau en mesure de construire des réacteurs en série tout en électrifiant les usages.

Pourquoi ne renouvelez-vous pas les parcs EnRi à leur fin de vie ?

Le parti pris ici est de ne pas recourir à ces technologies qui sont moins denses, plus contraignantes pour le réseau, intermittentes et davantage consommatrices de ressource si nous disposons d’alternatives fiables. Cela permet également de dégager des capacités de production en la matière pour des partenaires qui ne peuvent pas se reposer comme nous sur un potentiel hydraulique ou nucléaire et qui dépendent bien plus fortement des EnRi pour se décarboner. Enfin, la trajectoire prise post-2050 sur les EnRi n’est en aucun cas figée dans le marbre. Il peut être tout à fait raisonnable de conserver le statu-quo 70/30 entre les EnR et le nucléaire. Ceci sera une décision politique, et, sous réserve que la neutralité carbone soit effectivement atteinte en 2050, qui pourra être prise de manière apaisée car libérée de la contrainte climatique.

Vu la fréquence d’utilisation de vos TAC biomasse, quelle est leur pertinence ?

Elles sont prévues pour avoir un rôle similaire aux turbines du CETAC qui existent aujourd’hui (facteur de charge < 1%) : fournir un appoint de production flexible pour garantir la tenue du système en cas de gros imprévu (typiquement, elles servent à compenser une production éolienne très faible lors d’un mois peu venté tel qu’observés à l’hiver 2016-17), ce qui représente 85% de leur utilisation Elles sont indispensables pour la flexibilité de la production. 

Rien sur la géothermie ou la cogénération de chaleur nucléaire ?

Nous avons conscience de ne pas avoir eu les moyens de traiter ces deux potentiels bien que les auteurs du scénarios soient théoriquement favorables au recours à ces deux technologies. Nous espérons que des versions futures du rapport pourront traiter pleinement de ces deux sujets.

La cogénération nucléaire associée à du stockage géothermique intersaisonnier de chaleur offre un potentiel faramineux pour décarboner les réseaux de chaleur des grands pôles urbains.

Stockage

L’eau est une ressource en tension : est-ce vraiment une bonne idée de compter autant sur l’hydraulique ?

Le pompage turbinage n’est pas soumis aux mêmes aléas sur la gestion de l’eau que l’hydraulique “classique”. Une fois  l’aménagement rempli, il n’y a plus besoin de nouvel apport d’eau significatif. L’évaporation et l’infiltration sont compensées par la pluviométrie. 

En fait, grâce au STEP, il est même possible de libérer une quantité significative d’eau  dans les cours d’eau en été, moment où elle est en tension. Le pompage turbinage est ainsi un outil bien plus flexible que l’hydraulique de lac ou au fil de l’eau en matière de gestion de la ressource en eau. Un outil bien plus autosuffisant.

Votre ambition sur le stockage par STEP n'est-elle pas utopiste vis-à-vis des déplacements de populations requises ?

D’après les estimations, pas plus de 12 000 français ne seraient contraints de déménager sur les 30 prochaines années pour permettre la réalisation de ce projet d’ampleur. Il est actuellement le seul moyen fiable et souverain de s’en remettre aux énergies éoliennes et solaires qui sont intermittentes dans les  prochaines décennies. Ce genre de déplacement de population a toujours été une réalité des grandes réalisations d’intérêt public comme les voies ferrées, les autoroutes ou les anciens barrages. Pour comparaison, la construction du barrage de Serre-Ponçon a nécessité le déplacement de 1500 personnes, et la future LGV Bordeaux-Toulouse nécessitera l’expropriation de 400 bâtiments.

Le potentiel hydraulique de la France n’est-il pas déjà saturé ?

En réalité, un travail très approfondi a été mené par les auteurs sur ce point. Il les a amené à réaliser que cet argument était fallacieux dans les faits : le potentiel topographique français est largement sous-évalué en la matière. Outre le potentiel de production gravitaire qui pourrait techniquement être augmenté de 50% (cf rapport Dambrine de 2006), le potentiel des STEPs est lui tout bonnement colossal. Selon un rapport du JRC de 2013, le potentiel français attendrait 6 TWh de capacité réversible. Mais les critères  retenus, apparaissent beaucoup trop restrictifs pour en être crédibles (ne pas couper de route, être à moins de 20 km de réseau haute tension, ne peut pas nécessiter 2 nouveaux lacs…). Lorsque l’on  reformule de manière raisonnable ces critères, les résultats sont bien plus favorables. Notre évaluation estime un potentiel supérieur à 36 TWh, avec plusieurs sites de plus de 2 TWh.

Ces déplacements ne vont-ils pas coûter une fortune à l’Etat ?

Les premières estimations visent à fixer un plafond raisonnable mais juste d’indemnisation par citoyen déplacé (pas plus de 1 millions d’euros). Au regard de la quantité de déplacés, cela reste un fragment tout à fait concevable et raisonnable de l’investissement total dans un système électrique fiable. L’hypothèse retenue pour le calcul économique du scénario est de 500 k€ en moyenne par habitant déplacé, une somme conséquente lorsque l’on sait que le patrimoine médian des français est de 117 k€ par foyer (et non pas par habitant).

Et les paysages abîmés et leur biodiversité ?

En comparaison à beaucoup d’autres projections, le scénario des Voix est un des moins demandeurs d’espace grâce à un pari raisonnable sur les ENRi, notamment le solaire. Ce que l’on “perd” en terrain nécessaire pour les nouvelles STEP  est compensé plus que largement grâce aux autres choix technologiques que nous suggérons : le recours à des sources énergétiques denses.

Précisons également que nombre de grands projets hydrauliques passés ont eu des conséquences favorables voire très favorables sur le tourisme local mais aussi l’agriculture.

Ces endroits ne sont-ils pas protégés ? Cela est-il juridiquement faisable ?

Il convient évidemment de procéder à ces chantiers dans le respect du cadre légal et réglementaire bien que nous suggérons qu’il soit repensé afin de permettre une transition juste et efficace. Pour autant, les différents sites suggérés par le Scénario des Voix pour les nouvelles STEP Par ailleurs, les installations de production EnR obtiennent régulièrement des dérogations sur les sujets environnementaux, au prétexte de la cause supérieure de la lutte contre le changement climatique. C’est un discours qui s’entend compte tenu que toute installation n’est que le fruit d’arbitrages, à la condition d’un traitement équitable des différentes technologies de l’énergie.

Pourquoi vos STEP sont loin de vos sources de vent ?

 Bien que ce fût pris en considération, le stockage par pompage turbinage emporte tout de même des contraintes en termes de topographie. Ainsi, les STEP sont nécessairement situées dans les régions montagneuses, d’où leur concentrations dans les Alpes et les Pyrénées. En revanche, leur placement a souvent été imaginé en amont des futurs EPR2 afin de pouvoir réagir en cas de sujet sur le refroidissement de ces derniers. De plus, les sites choisis sont situés dans des régions proches des gisements solaires. Les STEP du massif Central ont par contre été choisies précisément pour leur relatif centrisme vis-à-vis de la géographie de l’Hexagone.

Sobriété et Electrification

Pourquoi avoir si peu d’ambition sur la sobriété et la flexibilité de la consommation ?

Les auteurs du scénario estiment que beaucoup d’espoirs fondées sur la sobriété dans d’autres projections sont extrêmement optimistes par rapport à ce que l’on peut attendre tant techniquement que socialement. Non pas qu’un changement des mentalités ne soit pas souhaité, mais nos hypothèses ne fondent  pas la stratégie nationale d’urgence dessus, car il est toujours mieux de disposer de trop d’énergie décarbonée que de pas assez.

Vous ne vous reposez pas du tout sur le stockage par batterie ? Ou le Power to gas to power ?

Il faut bien comprendre que le dimensionnement des STEPs préconisé par le scénario TerraWater les place dans une position intermédiaire entre les batteries et l’hydrogène qui leur permet de se substituer efficacement et simultanément à ces deux technologies. En effet, le pompage-turbinage concilie une forte réactivité (caractéristique des batteries) avec une grande endurance (caractéristique du power2gas).

Dès lors qu’on est capable d’assurer un service similaire pour moins cher, plus durable, beaucoup plus sobre en ressources, avec un rendement bien supérieur, et beaucoup plus certain industriellement, vouloir développer des batteries ou du power2gas autrement qu’à la marge pour des applications de niches ne fait pas sens.

Et que prévoyez vous pour décarboner les secteurs qui ont très peu de perspectives comme l’armée ou le fret maritime ?

Bien qu’il pourrait être envisagé d’un point de vue purement technique de nucléariser une partie de la marine marchande, la solution immédiate la plus simplereste la biomasse. Le scénario écarte la biomasse (biocarburants etc) sur un maximum d’usages stationnaires afin de pouvoir l’allouer aux usages mobiles inélectrifiables, comme l’armée. Sur les cas inextricables, nous réservons les compensations. De manière générale, nous essayons de tenir compte du risque de déforestation indirecte induit par ces mesures encourageant la combustion de biomasse. Il apparaît que de nombreux scénarios (en premier lieu desquels la SNBC) s’appuient sur une consommation debiomasse qui dépasse largement le potentiel raisonnablement identifié en France par les différents rapports (Déjà la SNBC, puis France Stratégie). 

Faisabilité

Le scénario n’est pas précisément chiffré ? Est-ce parce que les coûts ne sont pas pris en compte ?

Tous les critères du scénario, au premier rang desquels le réalisme technique, permettent de limiter les coûts. Toutes les technologies prises en compte sont matures et permettent au contraire une  bonne sérénité sur les coûts. Sera publiée à l’avenir une annexe détaillant ce point explicitement. 

Et si on voulait changer d’avis ? Votre scénario nous embarque longtemps.

Au contraire, le grand programme de construction de STEP permet, même dans un futur où notre gouvernement souhaiterait viser un mix 100% d’énergies renouvelables, de garantir une grande stabilité du réseau qui est un problème majeur des mixs actuels composés de beaucoup d’éolien ou de solaire. De plus, les TACs biomasses auraient également toute leur place en tant que production décarbonée d’appoint afin de soutenir les STEPs lors des années de plus faible production EnR.

Comment votre scénario est-il tenable en termes de compétence ?

C’est effectivement un sujet majeur, peu importe le scénario choisi d’ailleurs : la neutralité carbone en 2050 EST un énorme défi dont la réussite n’est nullement assurée 

En l’occurrence, le fait de relancer un grand programme hydraulique avant celui de la filière nucléaire permettrait théoriquement au génie civil de passer un premier palier avant les chantiers d’EPR 2 en série.

Que dit la filière de vos ambitions pour elle-même ? N’avez-vous pas surestimé ses capacités industrielles ?

Tous les contributeurs ont eu des contacts approfondis avec divers membres de la filière, afin de leur soumettre les hypothèses du scénario. Dans la mesure où nos projections prennent en compte parfaitement l’inertie de la machine industrielle au moment de la relance, toutes nos ambitions ont été jugées ambitieuses mais réalistes. 

Et si l’une de vos hypothèses était mise à mal ? Sur le rythme de déploiement du nouveau nucléaire ou de maintien de l’ancien ?

Même si nos choix sont aussi solides que possibles, si l’une de ces éventualités se présentait, il serait nécessaire de prolonger ou d’augmenter le rythme de déploiement des EnRi, sur lequel il y a une marge (passer d’un rythme N03 à un rythme N1 voire M23). Il est malheureusement également possible de conserver quelques capacités en fossiles historique après 2035. 

Vous surdimensionnez le réseau, vous faites sans interconnexion… que des surcoûts non ?

En réalité, se passer des interconnexions pour la conduite normale du système n’implique qu’un modeste surcoût par rapport à un scénario où l’on s’en servirait de manière routinière pour garantir la sécurité d’approvisionnement  (quelques pourcents tout au plus). De plus, un système correctement dimensionné, peu importe le domaine technique, a toujours une marge de surplus : celle du scénario est d’environ 10%. Cela autorise une vraie solidarité européenne : celle qui permet de venir en aide et non de compter sur l’autre en toutes circonstances.

Ne pas reposer sur les interconnexions n’interdit en effet pas d’exporter à profit notre électricité, et de mettre à disposition contre rémunération les importantes capacités de stockage hydraulique que nous envisageons. Dans des conditions favorables, le surcoût provoqué par les choix d’indépendance électrique pourrait être plus que compensé par le revenus de vente d’électricité et de services de stabilisation à nos voisins. 

Communication

En fait, votre scénario est le scénario de la filière nucléaire ?

Les Voix est une association citoyenne qui défend la prise en compte du nucléaire dans la transition énergétique mais nous ne représentons pas les intérêts de la filière. D’ailleurs, contrairement à d’autres organismes, associations ou partis politiques pro-nucléaire, nous restons pragmatiques sur les capacités de la filière dans l’immédiat et, d’autre part, nous fondons une part importante de nos espoirs dans les ENR à court et moyen terme pour soutenir l’électrification du mix énergétique. Le scénario des voix se situe en réalité à peine au-dessus de ce qui est prévu par beaucoup d’autres scénarios, y compris ceux du gouvernement. Il a été validé par les différentes filières mais n’en émane d’aucune.

Vos hypothèses sont très conservatrice : vous voulez que rien ne change ?

Ce serait une interprétation plus que réductrice de la réflexion tenue ici. Ce scénario est construit pour répondre à une situation d’urgence climatique, géopolitique et industrielle (ressource et technologie). Il est raisonnable de penser que, pour les 28 prochaines années, ne compter uniquement que sur des technologies matures industriellement à l’heure actuelle est une preuve de réalisme. Ce n’est pas un scénario qui milite pour une société utopiste mais pour un appareil industriel, énergétique et électrique fonctionnel, dynamique,fiable et robuste. 

L’innovation technologique y est considérée comme un bonus que nous soutenons et souhaitons mais pas sur lequel nous comptons pour sortir urgemment des énergies fossiles. On ne règle pas un problème aussi important que le changement climatique avec des paris et des technologies de laboratoire.